
L’ascension de Bitcoin dans un marché crypto en pleine maturation
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Bitcoin a été le leader incontesté du marché des cryptomonnaies au cours des 18 derniers mois. Les investissements vers les produits liés à Bitcoin ont largement surpassé ceux liés aux autres cryptos. Et la part de Bitcoin dans le marché global des cryptomonnaies atteint désormais 60 %, son plus haut niveau depuis des années.
Bitcoin a bénéficié d’un traitement privilégié par rapport aux autres cryptos, que ce soit en faisant l’objet de décrets présidentiels, en bénéficiant d’importants investissements de la part des entreprises, et des gestionnaires de portefeuilles de capitaux à long terme. Tout cela lui a permis se surperformer le reste du marché crypto.
Mais s’il est tout à fait possible que Bitcoin continue à dominer, l’histoire nous enseigne que le reste du marché crypto ne restera peut-être pas au second plan éternellement. Les investisseurs crypto de tout type (oui, même ceux qui ne jurent que par BTC) devraient ainsi rester vigilants en cas de changement de tendance.
La part de marché de Bitcoin dans la capitalisation totale des cryptomonnaies a oscillé entre 60 et 65 % au cours du dernier mois, approchant les niveaux atteints lors du bull run de 2021. Si l’on élargit l’analyse aux stablecoins, dont le cours est indexé sur celui du dollar, environ 70 % du marché est en réalité adossé soit à Bitcoin, soit au dollar. Et si l’on ajoute les plateformes technologiques, souvent appelées “Layer 1” (Ethereum, Solana, Binance Smart Chain, etc.), ce chiffre grimpe à près de 90 % de tous les investissements en cryptomonnaies.
Ce niveau de concentration peut surprendre, compte tenu du nombre total de tokens en circulation. Selon nos estimations, 227 des 500 principaux crypto-actifs sont des tokens utilitaires, c’est-à-dire rattachés à des applications ou projets spécifiques. Et ils peinent visiblement à convaincre le marché de leur intérêt fondamental en tant qu’investissement.
En effet, le capital reste concentré autour d’un groupe relativement restreint d’actifs. Parmi les 72 plateformes crypto en concurrence avec Ethereum, SOL et BNB représentent à elles seules plus de 54 % de la capitalisation. Et dans le secteur des stablecoins, Tether compte à lui seul pour 58 %.
La domination croissante de Bitcoin suit un schéma bien connu. Historiquement, la part de marché de Bitcoin augmente lors des périodes de baisse du marché ou de reprise, puis diminue lorsque les capitaux spéculatifs affluent vers des paris plus risqués, à mesure que le cycle progresse. En 2017 comme en 2021, la domination de Bitcoin avait ainsi atteint un sommet avant que les altcoins ne s’envolent et que le marché revienne vers plus de diversité. Nous approchons aujourd’hui, une fois de plus, de niveaux de domination similaires. Et les traders expérimentés en crypto se demandent probablement s’il faut s’attendre à une nouvelle “altcoin season”.
Cependant, il est important de noter, y compris pour les investisseurs exclusivement centrés sur Bitcoin, que lorsque la domination de Bitcoin finit par fléchir et que les altcoins prennent l’avantage, cela signifie habituellement que le marché entre dans une phase d’épuisement.
Que ce soit fin 2017 ou mi-2021, les périodes durant lesquelles les altcoins ont enregistré les meilleures performances ont coïncidé avec des flux spéculatifs euphoriques, des taux de financement extrêmes et une prolifération spectaculaire d’émissions de tokens. Ces signaux ont souvent marqué non pas le début d’un nouveau cycle haussier durable, mais les premières fissures annonçant des bear markets prolongés pour l’ensemble du marché crypto.
Le schéma est connu : une fois que les actifs les plus spéculatifs ont absorbé le dernier acheteur marginal, la liquidité supplémentaire se tarit, le sentiment s’inverse, et un régime généralisé de prise de risque minimal s’installe. Ce qui entraîne alors Bitcoin et l’ensemble de l’écosystème crypto vers le bas.
Il est toutefois possible que la tant attendue “altcoin season” ne se produise pas lors de ce cycle. Les institutions (gestionnaires de patrimoine, entreprises, et conseillers financiers qui doivent souvent rendre des comptes à des comités de risque et de conformité), constituent désormais une part importante des investisseurs. Ces acteurs sont moins enclins à courir après des promesses de rendements de type x100, et privilégient les investissements fondamentaux solides, la conformité réglementaire et la qualité d’exécution.
Ceci a naturellement pour effet de canaliser les capitaux vers les actifs les plus liquides et établis : Bitcoin, Ether, et éventuellement quelques autres cryptomonnaies présentant des capitalisations importantes.
Dans le même temps, la compréhension collective des actifs crypto et de leur architecture technologique s’est nettement améliorée. Il existe désormais de meilleurs outils d’analyse on-chain, une plus grande transparence financière, et une mémoire collective des promesses non tenues et des arnaques passées. Les projets doivent désormais passer par un processus de diligence plus rigoureux qui, du moins on l’espère, permet d’identifier les modèles économiques non viables bien plus tôt que lors des cycles précédents.
Le contexte macroéconomique et réglementaire actuel a contribué à accentuer la séparation de Bitcoin par rapport au reste du marché. Bitcoin a été reconnu au plus haut niveau du gouvernement américain, et sélectionné poru constituer une “réserve stratégique de Bitcoin” (via une accumulation budgétairement neutre), distincte du reste des cryptomonnaies, regroupées dans un stock national géré de façon discrétionnaire.
Les institutions ont accru leur exposition à Bitcoin à travers des ETF et des trésoreries d’entreprise, avec des exemples notables comme MicroStrategy, Metaplanet, Semler Scientific, ou plus récemment 21 Capital. Les modifications du traitement comptable des actifs numériques aux États-Unis (règles “fair value” du FASB) et l’abrogation du SAB 121 ont ouvert de nouvelles voies permettant aux entreprises et aux banques de bénéficier des opportunités économiques offertes par l’écosystème Bitcoin.
Et tout cela se produit dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes et d’environnement macro peu enthousiasmant (droits de douane, prévisions de croissance faibles, taux élevés), qui n’a profité à aucun autre actif… hormis l’or. Nous pensons que cette turbulence, à la fois sur les marchés d’actifs et dans l’action gouvernementale, renforce le récit en faveur de Bitcoin, en mettant l’accent sur ses caractéristiques fondamentales : neutre, sans frontière, auto-souverain et rare.
Alors oui, nous pensons que Bitcoin a encore du potentiel, à court comme à long terme. La toile de fond structurelle est différente de celle de 2017 ou 2021. Si les conditions actuelles se maintiennent, la fenêtre pour un rallye des altcoins spectaculaire se rétrécit, tandis que la probabilité d’une rotation de marché plus mesurée et fondée sur les fondamentaux augmente.
En se tournant vers l’avenir, il serait néanmoins surprenant que la SEC n’approuve pas davantage d’ETF crypto au comptant, en particulier avec les changements au sein de sa direction, les progrès du sous-comité des actifs numériques de l’agence, et les demandes de produits en cours déposées par les gestionnaires d’actifs.
Reste à voir si ces actifs recevront le même accueil que celui réservé à Bitcoin au début de 2024. Le parcours d’Ethereum suite à l’approbation de son ETF pourrait avoir donné le ton pour les autres produits crypto aux États-Unis, mais il ne faut pas sous-estimer le potentiel de distribution de ces produits via les circuits financiers traditionnels.
Nous restons également attentifs à une évolution du contexte macro. Une évolution majeure, que ce soit un assouplissement monétaire, une résolution de conflits majeurs, ou une fin des tensions commerciales américaines, pourrait raviver l’appétit pour le risque. Les flux spéculatifs pourraient alors se tourner vers de nouveaux récits crypto, à l’image des cycles passés où la surperformance de Bitcoin a été suivie par une euphorie générale du marché.
Pour l’instant, la domination de Bitcoin semble assurée. Mais l’histoire suggère que le reste du marché pourrait bien avoir son heure de gloire. Surtout si les conditions macro, réglementaires et structurelles s’alignent pour relancer la demande spéculative. Les investisseurs avisés y prêteront attention, car ces phases offrent des opportunités de trading, et coïncident souvent avec le début des bear markets dans l’univers crypto.