8 min de lectureLes débuts de Cosmos
Cosmos est souvent décrit comme « l’Internet des blockchains ». Son réseau principal, Cosmos Hub, a été mis en service en mars 2019 et a été développé par Tendermint Inc. (désormais connu sous le nom d’Ignite) et l’Interchain Foundation (ICF). Les fondateurs de Cosmos, Jae Kwon, Zarko Milosevic et Ethan Buchman, ont imaginé un réseau appelé à remédier au manque d’interopérabilité entre les blockchains.
L’objectif du Hub est de servir de modèle pour le lancement de blockchains personnalisables (les « zones ») pouvant communiquer via le protocole Inter-Blockchain Communication (IBC). Grâce à une telle conception, les développeurs peuvent créer des réseaux spécialisés, tels que ceux destinés aux exchanges décentralisés ou aux marchés de tokens non fongibles, tout en restant connectés à un écosystème élargi.
En décembre 2024, l’ICF a fait l’acquisition de Skip et créé Interchain Inc., regroupant ainsi le développement de produits et la stratégie au même endroit. Cette centralisation vise à résoudre les problèmes de fragmentation et de liquidité qui nuisaient à l’écosystème.
Principales caractéristiques techniques
Chaque « zone » construite avec le Cosmos SDK est souveraine. Toutefois, elle peut interagir grâce au protocole Inter-Blockchain Communication (IBC). En connectant des chaînes autrement isolées, Cosmos réduit la congestion sur les réseaux monolithiques et permet aux développeurs de créer des chaînes spécialisées pour la DeFi, le gaming, les infrastructures ou les cas d’utilisation en entreprise. Plus de 100 blockchains indépendantes fonctionnent désormais au sein de l’« Interchain ».
Le Hub utilise un consensus de preuve d’enjeu appelé CometBFT (anciennement Tendermint) et sert de modèle pour la création de blockchains spécifiques à des applications. L’architecture de Cosmos combine un consensus rapide, une modularité et une sécurité inter-chaînes. Le consensus CometBFT permet aux validateurs de parvenir à un accord avec une finalité instantanée et un débit élevé, tandis que le Cosmos SDK permet aux développeurs de connecter des modules pour la gouvernance, le staking et les comptes.
La gouvernance et le financement sont donc décentralisés : l’ICF, dont le siège social se situe en Suisse, supervise la recherche à long terme et les subventions, tandis que plusieurs équipes indépendantes, dont Ignite, Informal Systems, Binary Builders, Strangelove et Atom Accelerator DAO, assurent la maintenance des logiciels et développent de nouvelles fonctionnalités.
La connectivité inter-chaînes continue de progresser. Une prochaine mise à niveau appelée IBC Eureka (IBC v2) promet une amélioration significative des performances et une intégration plus simple avec les chaînes qui ne sont pas liées à Cosmos telles qu’Ethereum, les rollups EVM (Base, Ink, Soneium…) et Solana. Eureka vise également à réduire le temps d’intégration des nouvelles chaînes et à permettre au Hub d’agir tel un « routeur de liquidité inter-chaînes ». Ces innovations, combinées à la prise en charge officielle de l’EVM, font de Cosmos l’une des architectures de base les plus modulaires et interopérables.
Performances du réseau
Cosmos étant un réseau d’app-chains indépendantes, le débit et la latence varient selon les chaînes. CometBFT offre des temps de blocage réduits et une finalité quasi instantanée, tandis que la nouvelle sérialisation de la mise à niveau Stargate améliore l’efficacité de toutes les chaînes.
Toutefois, les performances réelles dépendent du matériel des validateurs et des conditions du réseau. En juin 2024, un bug dans la mise à niveau V17 du Hub a interrompu la production de blocs. Les développeurs ont corrigé le problème et redémarré le réseau en quelques heures : un exemple parlant de la résilience et du risque des mises à niveau complexes. La feuille de route d’Interchain Inc. suggère que la prochaine refonte du Cosmos SDK améliorera le débit d’un certain ordre de grandeur.
Il est impossible de déterminer avec précision le nombre de TPS, chaque zone ayant des paramètres différents, mais l’architecture Cosmos privilégie la finalité instantanée et l’évolutivité modulaire plutôt que le nombre brut de transactions par seconde (TPS).
À quoi sert ATOM ?
ATOM est le token natif du Cosmos Hub. Il sert plusieurs objectifs :
Frais de transaction : les utilisateurs paient en ATOM pour traiter les transactions et interagir avec les services du Hub.
Staking et sécurité : les validateurs stakent des ATOM pour sécuriser le Hub. Quant aux délégants, ils peuvent déléguer des ATOM aux validateurs et gagner des récompenses. Dans le cadre de la sécurité inter-chaînes, les stakers d’ATOM gagnent également une part des frais provenant des chaînes grand public.
Gouvernance : les détenteurs votent sur les mises à niveau du protocole, les modifications des paramètres et les dépenses de la trésorerie.
Utilisations collatérales et inter-chaînes : certaines chaînes d’applications acceptent ATOM comme garantie ou comme moyen de paiement des frais de GAS. En cas d’adoption, ATOM serait utilisé comme token GAS par les projets EVM fondés sur le Hub. Les chaînes d’entreprise peuvent également exiger le staking d’ATOM en fonction de leur modèle de sécurité.
Le calendrier d’approvisionnement et le rôle d’ATOM sont soumis à des propositions de gouvernance. Le livre blanc « Hub 2.0 » de 2022 proposait d’aligner l’émission d’ATOM sur la demande de services de sécurité à travers l’Interchain, mais sa mise en œuvre reste controversée. L’acquisition de Skip en 2024 et la création d’Interchain Inc. visent à monétiser les services Hub à travers des frais de routage et des partenariats institutionnels.
Écosystème et cas d’utilisation
En décembre 2024, le média Blockworks a révélé que plus d’une centaine de blockchains indépendantes opéraient désormais au sein de l’« Interchain » et échangeaient des valeurs via l’IBC.
Cosmos héberge une grande variété de blockchains spécialisées et s’est particulièrement développé dans le domaine de la finance décentralisée et des infrastructures inter-chaînes. L’exchange décentralisé Osmosis sert de centre de liquidité et permet des transactions trustless (sans tiers de confiance) entre différents tokens compatibles IBC. Début 2024, le Picasso Network a connecté Ethereum à Cosmos via IBC, permettant un transfert direct des tokens Ethereum vers les chaînes Cosmos.
Noble, une chaîne d’applications construite sur le SDK et qui émet des USDC natifs, s’est récemment associée à Frax Finance pour introduire les stablecoins FRAX et sFRAX (une version staked de FRAX) dans l’écosystème. L’intégration de FRAX et sFRAX dans Cosmos permet aux utilisateurs DeFi de détenir un actif indexé sur le dollar ou sa contrepartie portant intérêt tout en effectuant des transactions sur l’Interchain.
Cosmos attire également d’importants protocoles DeFi : début 2024, dYdX a transféré son exchange de contrats à terme perpétuels vers sa propre chaîne Cosmos et a intégré le staking liquide, tandis qu’Injective se spécialise dans le trading de produits dérivés. Du côté des infrastructures, Helium a transféré son réseau sans fil décentralisé vers Solana plutôt que vers Cosmos, mais d’autres projets d’infrastructures décentralisées, tels que Akash (cloud computing) et Celestia (disponibilité des données), restent étroitement liés à l’écosystème Cosmos. L’environnement prévoit également de tokeniser des actifs du monde réel par l’intermédiaire de partenaires institutionnels. Interchain Inc. a annoncé que des banques japonaises testaient Cosmos et IBC pour des transferts de données utilisant le système SWIFT.
Les avantages de Cosmos (interopérabilité, frais modiques et sécurité renforcée) sont bien établis. Toutefois, la prolifération des blockchains spécialisées ne s’est pas traduite par des avantages économiques évidents pour le hub principal. En juillet 2025, Interchain Labs a choisi de ne pas lancer un EVM natif du hub et s’est plutôt recentré sur la desserte des L1 souveraines et des chaînes institutionnelles, soulignant que les ressources étaient limitées et que le marché pour une autre plateforme de contrats intelligents à usage général était en train de se fragmenter. Ce changement souligne l’importance renouvelée accordée par Cosmos à la fourniture d’infrastructures et de services de routage plutôt qu’à la concurrence directe avec d’autres réseaux de couche 1.
Atouts et inconvénients
Atouts :
L’architecture modulaire de Cosmos offre plusieurs avantages. IBC et le Cosmos SDK permettent aux développeurs de créer des blockchains souveraines qui interagissent de manière fluide. La vitesse en matière de finalité et de consensus rend les transactions quasi instantanées, tandis que les options de sécurité partagée permettent un démarrage rapide des nouvelles chaînes. En pleine croissance, l’écosystème comporte plus d’une centaine de chaînes utilisant la technologie Cosmos. Il soulève en outre un intérêt institutionnel croissant grâce à l’émission de stablecoins et aux intégrations inter-chaînes.
Inconvénients :
La souveraineté des chaînes d’applications disperse la liquidité et les bases d’utilisateurs. Quant à la connexion entre les chaînes, elle peut être complexe : Interchain Inc. a qualifié cette situation de « crise de liquidité ». Les changements fréquents, tels que la décision prise en juillet 2025 d’abandonner un EVM natif du Hub, peuvent générer une forme d’incertitude auprès des développeurs. La complexité de l’IBC et de la sécurité inter-chaînes implique des risques en matière de sécurité : découverte en avril 2024, une vulnérabilité critique de l’IBC aurait pu permettre des rachats infinis de tokens, mais une correction avait été apportée à temps.
Les mises à niveau entraînent parfois des temps d’arrêt, comme ce fut le cas en juin 2024. Tout comme les autres crypto-actifs, ATOM est sujet à la volatilité des prix.
Considérations stratégiques
Pour les investisseurs, ATOM offre une exposition à la croissance des infrastructures inter-chaînes et de la DeFi. Les rendements proviennent des récompenses de staking et de l’appréciation potentielle à mesure que les services du Hub gagnent en popularité. Cependant, le succès repose sur l’adoption continue de l’IBC, une gouvernance efficace de l’émission de tokens et des mises à niveau de sécurité, ainsi que la capacité de l’écosystème à surmonter la fragmentation et à héberger des applications grand public.
