Valorisation du Bitcoin à travers l’épargne
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Les crypto-actifs formant une classe d’actifs relativement nouvelle, les divers modèles utilisés pour évaluer les actifs traditionnels ne sont pas applicables au Bitcoin. Les analystes doivent ainsi recourir à des méthodes moins connues telles que la loi de Metcalfe (le nombre d’utilisateurs détermine la valeur d’un réseau) et le modèle Stock-to-Flow (fondé sur la rareté).
CoinShares estime que le marché adressable total (TAM) constitue le modèle d’évaluation le plus approprié, car il repose sur la part occupée par le Bitcoin dans la masse monétaire mondiale. Cependant, le TAM doit évaluer la probabilité du Bitcoin à concurrencer les monnaies fiduciaires, chose particulièrement difficile à quantifier.
Autre problème inhérent au TAM, il estime la valeur du Bitcoin à un moment arbitraire dans le futur. Une approche différente est ainsi nécessaire pour établir une prévision à plus court terme. Cet article présente un modèle d’évaluation fondé sur l’adoption et développé par CoinShares, lequel calcule ce que pourrait valoir le Bitcoin à l’horizon 2028.
Critères
Avant de nous intéresser aux critères sur lesquels repose le modèle, voici deux hypothèses sous-jacentes :
Le modèle s’appuie sur des fondamentaux mesurables plutôt que sur le sentiment du marché. Bien que l’adoption soit le principal moteur de la valeur intrinsèque du Bitcoin, elle est connue pour être difficile à évaluer.
Le modèle considère le Bitcoin comme un moyen d’échange plutôt que comme un actif spéculatif. C’est pourquoi il intègre la notion d’épargne à long terme : à mesure qu’un nombre croissant de personnes consacrent une petite portion de leurs revenus au Bitcoin, la demande augmente et fait monter le prix.
En résumé, le modèle s’appuie sur l’investissement concret dans le Bitcoin, en utilisant l’épargne comme principal moteur des apports de capitaux, car celle-ci est moins susceptible de fluctuer que les avoirs au sein de portefeuilles.
Taux d’adoption
Le modèle considère que l’adoption du Bitcoin augmentera régulièrement par rapport à son niveau de fin 2023, soit 269 millions d’utilisateurs inégalement répartis entre différents pays, comme le révèle notre étude mondiale sur la détention de Bitcoins. Pour estimer le taux de croissance, le modèle recourt à deux mesures :
Le taux de croissance moyen sur sept ans de l’adoption du Bitcoin. Selon l’étude, le taux de croissance annuel composé (TCAC) entre 2016 et 2022 était de 146 %.
Le taux de croissance moyen d’Internet au cours de sa deuxième décennie, depuis le lancement des premiers navigateurs en 1996. Selon l’étude, ce taux était en moyenne de 15 %.
Au vu de ces chiffres et en matière d’adoption du Bitcoin, CoinShares estime qu’un TCAC de 20 % au cours des quatre prochaines années constitue une prévision raisonnable. Comme le montre le graphique ci-dessous, cette estimation suggère que le nombre de détenteurs atteindrait 669 millions de personnes, soit environ 7 % de la population mondiale, contre seulement 3 % actuellement.
Ce graphique illustre la façon dont la détention varie d’un pays à l’autre. Celle-ci a tendance à être plus élevée dans les pays où la monnaie fiduciaire est particulièrement faible (en Turquie, l’inflation a atteint 71 % en juin 2024), de sorte que le modèle applique uniformément le taux d’adoption de 20 %. Par exemple, si le taux d’adoption de l’Inde était le double de celui de l’Australie en 2023 et que l’adoption mondiale double d’ici 2028, le ratio demeurera inchangé.
Taux d’épargne
Pour calculer le taux d’épargne, le modèle recourt à deux mesures : le revenu des résidents d’un pays, c’est-à-dire le revenu national brut par habitant (RNB), et le taux d’épargne moyen depuis 2018. Le taux d’épargne sert à établir combien de Bitcoins chaque détenteur achètera sur une base annuelle.
Le modèle considère que 10 % du taux d’épargne moyen sera alloué au Bitcoin. Ainsi, si le taux d’épargne moyen est de 10 %, le Bitcoin représentera 1 %. Voici un exemple de la façon dont fonctionne ce calcul : si, pour un pays donné, le RNB par habitant est de 10 000 $ par an et le taux d’épargne de 10 %, le système considère que chacun des habitants achètera pour 100 $ de Bitcoin chaque année. En revanche, dans un pays où le RNB par habitant atteint 20 000 $ mais où le taux d’épargne n’est que de 1 %, le système évalue à 20 $ les achats annuels en Bitcoin par habitant. Le tableau ci-dessous présente les achats annuels par personne pour un échantillon regroupant des pays développés et émergents.
Bien que le RNB et le taux d’épargne laissent penser que la détention devrait être plus élevée dans les pays les plus riches, la taille de la population et le taux d’adoption exercent aussi une incidence sur la quantité de Bitcoin achetée. La détention de BTC étant plus répandue dans les pays émergents, l’allocation moyenne par personne à l’échelle mondiale resterait relativement faible en 2028 (88 $), et ce, en dépit de la présence de près de 700 millions de détenteurs. Les apports générés seraient alors estimés à 210 milliards de dollars.
Multiplicateur de capitalisation boursière
Le dernier élément considéré par le modèle est le multiplicateur des apports qui alimentent la capitalisation boursière.
La quantité d’argent qui afflue dans le Bitcoin est limitée par l’offre disponible, laquelle peut être déterminée grâce à la transparence de la technologie blockchain.
Ce graphique montre le nombre de Bitcoins qui ont été échangés au cours de la dernière année par rapport au nombre de Bitcoins restés inactifs. En supposant que les coins inactifs ne soient pas à vendre, six millions des 19 millions de coins en circulation sont disponibles à l’achat. Cependant, il est impossible de prévoir à quel prix ces coins seront tradés.
Étant donné la lente mise en circulation des nouveaux coins (il reste environ 1,3 million de coins à extraire au cours des 116 prochaines années), la loi de l’offre et de la demande laisse penser que le prix devrait augmenter à mesure qu’un nombre croissant de personnes chercheront à acquérir des Bitcoins, ce qui encouragera les détenteurs de coins dormants à les rendre disponibles sur le marché.
En dépit de la logique de cette théorie, il est impossible de déterminer la manière dont les apports peuvent affecter le prix, ceci en raison d’un manque de données. C’est pourquoi le modèle recourt à un multiplicateur (un facteur par lequel tout changement d’une variable en affecte une autre) pour estimer l’impact de chaque dollar entrant sur la capitalisation boursière du Bitcoin. Pour choisir un multiplicateur approprié, CoinShares a examiné les recherches menées par d’autres institutions financières et portant sur divers actifs, résumées dans le tableau ci-dessous. L’estimation de Bank of America ayant été jugée excessive, CoinShares a opté pour un multiplicateur plus conservateur de 10.
Résultats
Voici un récapitulatif des éléments pris en compte par le modèle :
669 millions d’individus détiendront des Bitcoins d’ici 2028
Chaque année, chaque détenteur consacrera 1 % de son RNB au Bitcoin (88 $ par personne, soit un total de 210 milliards de dollars)
Ces apports multiplieront par 10 la capitalisation boursière du Bitcoin
En se basant sur un prix de départ de 28 880 $, soit le cours moyen du BTC en 2023, le modèle estime que le Bitcoin vaudra environ 133 000 $ en 2028. En outre, CoinShares considère cette estimation comme une limite inférieure et non pas comme un plafond.